Le fléau des bateaux de croisière en Grèce : un défi environnemental majeur

Le tourisme est l’un des piliers économiques de la Grèce. Ce pays est en effet depuis longtemps une destination prisée des touristes du monde entier, avec des millions de visiteurs chaque année, grâce son patrimoine culturel riche et ses paysages époustouflants.

Malheureusement, nous constatons chaque jour les conséquences désormais connues liées à l’essor du tourisme de masse, qui fait émerger des défis environnementaux auxquels la Grèce devra rapidement faire face.
C’est pourquoi nous souhaitons souligner ce problème dans cet article, en vous proposant un état des lieux sur la question du fléau des bateaux de croisière en Grèce et dans ses îles.

Naxos dans le magnifique archipel des Cyclades

Ainsi, ces navires, toujours plus nombreux, peuvent accueillir des milliers de passagers et sont souvent équipés de tout le confort et les commodités nécessaires pour satisfaire les touristes.

Mais il est désormais évident que ces géants des mers mettent à rude épreuve les écosystèmes marins de la Grèce et des Cyclades (et d’ailleurs !), menaçant la biodiversité et la durabilité des régions côtières, tout en ayant un impact considérable sur l’économie et la qualité de vie des habitants.

Illustrations: le sujet des conséquences liées aux bateaux de croisière de plus en plus relayé.

Nous voyons que ce sujet est désormais pris au sérieux, car au niveau mondial, de plus en plus de mesures sont prises, et nombreux désormais sont les articles qui parlent des défis liés à la problématique des voyages en bateau de croisière.

Nous ne donnerons que deux exemples plutôt récents, comme ce premier article qui nous apprend qu’en juillet 20023, la Mairie d’Amsterdam a décidé la fermeture d’un important terminal de bateaux de croisière dans son centre-ville.
En effet, le communiqué indique, entre autre, que les croisières polluantes ne correspondent pas aux ambitions durables de la ville d’Amsterdam, et que désormais le sens tend plutôt à la lutte contre le tourisme de masse.

Deuxième illustration, cet article publié il y a quelques jours nous indique que Toulon a été envahie par un énorme nuage de fumée à cause de l’arrivée d’un paquebot de croisière au port, provoquant ainsi un  ras le bol croissant et une forte inquiétude des habitants locaux quant à la pollution de l’air.

Après ce petit tour européen, revenons maintenant en Grèce et dans les Cyclades, et concentrons-nous sur les problèmes qu’engendrent la surfréquentation des navires de croisière dans ce pays, puisque c’est ce qui  nous intéresse aujourd’hui !

Edifiant reportage du Journal le Monde sur la situation à Mykonos:

Le journal français Le Monde a réalisé un reportage sur la situation en Grèce cette année, dans lequel il décrit une file d’énormes bateaux de croisière essayant d’accoster à Mykonos et créant, bien sûr, un embouteillage (attention, nous précisons que figurent également sur cette vidéo des ferry de ligne classiques qui eux servent à la vie locale, et au transport des marchandises, et qui ne sont pas des bateaux de croisière touristiques!).

Ce que vous pouvez y voir est une scène désormais courante à Mykonos ainsi que dans le reste des Cyclades, à Paros, Naxos ou même Santorin, où le défilé des bateaux de croisière est devenu presque ininterrompu.

Au cours des dernières décennies, les compagnies de croisière ont identifié le potentiel lucratif de la Grèce en tant que destination touristique et ont augmenté leurs itinéraires pour répondre à la demande croissante. En conséquence logique, le nombre de bateaux de croisière faisant escale en Grèce a connu une croissance spectaculaire.

Ainsi, l’année dernière (2022), près de sept cent mille touristes ont débarqué par bateau sur les plages de sable de Mykonos et un total de deux millions de personnes ont passé leurs vacances sur l’île, soit deux cents fois le nombre de résidents !

Alors évidemment, cette croissance exponentielle du nombre de bateaux de croisière qui naviguent en Grèce n’est pas sans impacts.

Les impacts environnementaux liés aux bateaux de croisière:

Premièrement, les bateaux de croisière contribuent gravement à la pollution de l’air en émettant des gaz à effet de serre et des particules fines. Les moteurs de ces navires fonctionnent souvent au fioul lourd, un carburant hautement polluant. Ainsi, en Grèce les bateaux de croisière ont rejeté 7.700 tonnes d’oxyde de soufre rejetées en 2017 dans l’atmosphère.

Ces émissions atmosphériques nuisent évidemment à la qualité de l’air et peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des résidents locaux et des visiteurs. Un bateau de croisière consomme en moyenne 200.000L de fuel lourd par jour !!!

Voir l’illustration ci-contre filmée par nos soins en Août 2023 à Santorin.

Parallèlement, ces bateaux, au travers de leurs passagers, produisent des déchets alimentaires, des emballages, des bouteilles en plastique et des produits jetables que nous retrouvons malheureusement bien souvent dans l’eau ou sur les plages des îles grecques.

Les écosystèmes marins de la Grèce abritent une biodiversité unique et fragile (coraux, tortues de mer, etc.).

Les navires de croisière ont donc évidemment un impact direct sur ces écosystèmes sensibles. Le mouvement des navires, leurs ancres et les déchets qu’ils génèrent détruisent les habitats marins, endommagent les récifs coralliens et perturbent la reproduction des espèces locales, y compris les poissons, les mammifères marins et les tortues marines.

pollution côtière engendrée par un navire de croisière
les animaux marins impactés par les bateaux de croisière

Sont produits également des déchets dangereux tels que les huiles usées, les détergents et les produits chimiques utilisés pour le nettoyage des bateaux, qui se retrouvent dans les eaux marines et détruisent les écosystèmes et la faune locale.

Enfin, ils déversent également des millions de litres d’eaux usées dans les eaux environnantes, contribuant encore à la pollution les écosystèmes marins fragiles.

Parallèlement, les infrastructures portuaires ne sont souvent pas suffisamment équipées pour faire face à cette quantité massive de déchets, ce qui conduit à une contamination supplémentaire des eaux environnantes.

Une autre raison pour laquelle les bateaux de croisière sont très critiqués dans les Cyclades : la question de l’approvisionnement en eau.

C’est une question très grave car les îles des Cyclades sont déjà très arides et n’ont pas assez d’eau pour leurs besoins locaux

Les conséquences sont donc lourdes lorsqu’il faut remplir les immenses réserves d’eau potable de ces bateaux !

le problème de l'eau potable dans les Cyclades

Notons en outre que les impacts environnementaux de la présence excessive des bateaux de croisière ne sont pas les seules conséquences, car l’économie et les populations sont également touchées.

Les impacts sur l’économie et les populations locales

Le reportage présenté plus haut, nous rappelle que le gouvernement grec est un peu coincé face à cette situation.

En effet, le tourisme est essentiel pour le pays, il représente près d’un quart de son PIB et une personne sur cinq travaille dans le secteur du tourisme en Grèce.

Au niveau national, c’est une situation complexe car le gouvernement grec sort d’une crise économique importante et veut donc stimuler l’économie et le tourisme dans le pays. Mais nous allons voir que les impacts positifs sur l’économie locale sont souvent très limités.

Ainsi, malgré la pollution qu’ils génèrent, les passagers issus des bateaux de croisière apportent finalement peu de bénéfices aux îles puisqu’ils ne séjournent pas dans des hôtels, et consomment très peu sur place.
En effet, les touristes dépensent le plus souvent leur argent dans les magasins et les restaurants des navires, plutôt que dans les économies locales.

Autre question économique importante : les bateaux de croisière ne paient pas de taxes locales ou nationales, réduisant ainsi les recettes fiscales !
De plus, on peut s’interroger sur le côté éthique de ces compagnies car il faut savoir que quasiment tous les paquebots de croisières sont immatriculés dans les paradis fiscaux : Panama, Bahamas…
Ci-dessous un exemple en « live » de la carte des bateaux présents à Santorin ce 27/10/2023 et leur immatriculation.

Bateaux de croisière le 27 septembre à Santorin
Les bateaux de croisière présents le 27 septembre 2023 à Santorin

Enfin, l’impact social et culturel est également à prendre en compte. En effet, les habitants de Grèce et des Cyclades sont confrontés à des foules de touristes chaque jour, ce qui génère de plus en plus de stress et de réactions négatives, face à l’envahissement régulier de leur espace de vie.

Les voyageurs qui résident eux dans des hôtels, parfois très chers comme sur la Caldeira de Santorin, sont souvent eux aussi très remontés contre ces hordes de visiteurs éphémères qui souvent ne respectent pas les lieux. Il est parfois impossible de se déplacer dans les ruelles étroites des villages, de profiter au calme de la vue sur son balcon, et de circuler en véhicule à cause des dizaines de bus d’excursion qui bloquent tout.

La foule des croisiéristes qui débarquent à Oia à Santorin
Groupe de croisiéristes sur la place d'Oia à Santorin
Les ruelles bondées de Santorin au moment du coucher de soleil
Les ruelles des petits villages bondées par la foule
Que faire alors face à toutes ces calamités liées aux bateaux de croisière ? Des mesures sont-elles prises ?

Fléau des bateaux de croisière en Grèce : Solutions possibles et mesures de protection

Il devient évidemment indispensable que les autorités grecques prennent des mesures concrètes pour réglementer cette industrie et minimiser son impact sur l’environnement.

Malheureusement, force est de constater que jusqu’à présent, des mesures peu radicales ont été prises face aux problèmes qu’engendrent les bateaux de croisière en Grèce, avec principalement des mesures d’infrastructures telles que des centres d’élimination des déchets sur les îles, la mise en place d’usines de désalinisation de l’eau, etc. Mais cela ne suffit clairement pas.

Voici quelques solutions à mettre en place de manière urgente si nous ne voulons pas que ces pratiques enterrent l’attractivité de certaines destinations.

1. Limitation des débarquements :

Il devient crucial que les autorités locales travaillent ensemble pour réglementer le nombre de bateaux de croisière autorisés à accoster dans les ports grecs, pour réduire la pression sur les écosystèmes marins et préserver la qualité de l’expérience touristique pour les visiteurs.

Cela pourrait être fait en fixant des limites quotidiennes ou hebdomadaires pour limiter l’impact de l’arrivée de nombreux passagers en même temps.

Exemple: une mesure a été prise à Santorin, celle d’imposer une limitation aux croisiéristes journaliers en fixant à 8000 personnes le nombre de visiteurs maximum par jour. En effet : 630 bateaux de croisières en 2015 transportant environ 800000 passagers et jusqu’à 18000 visiteurs par jour débarquaient sur l’île.
Cette mesure n’est malheureusement pas du tout suffisante.  Avec les récentes limitations introduites par l’île, il n’y a eu plus que 620000 passagers en 2017. Mais rappelons que Santorin compte 15 550 habitants, couvre une superficie de 76 km², et accueille déjà de très nombreux visiteurs qui y viennent passer leurs vacances. C’est donc encore beaucoup trop !

En outre, et malheureusement, les prévisions vont plutôt dans le sens d’une augmentation du nombre de touristes dans les années à venir. Par exemple, à Amorgos, petite île paradisiaque encore préservée du tourisme de masse, où a été tourné le film Le Grand Bleu de Luc Besson, le Maire a pris une décision terrible et très controversée en souhaitant construire un nouveau port pour accueillir encore plus de bateaux !

Il serait évidemment primordial que les navires respectent les normes en terme d’émission polluantes lorsqu’ils sont basés dans les ports, cela pourrait contribuer à atténuer le problème de la pollution de l’air.

En effet, il existe des normes strictes en matière de rejets de déchets et de gaz d’échappement et en parallèle les navires doivent être encouragés à utiliser des technologies plus propres, telles que les carburants à faible émission et les systèmes de traitement des eaux usées.

Là encore, peu d’initiatives réellement efficaces ont vu le jour.

3. Contrôle des horaires :

Les horaires d’arrivée des bateaux de croisière pourraient également être réglementés pour éviter les pics de foule dans les zones touristiques. Cela permettrait de mieux gérer l’afflux de visiteurs et de minimiser l’impact sur les populations, les visiteurs, et les infrastructures locales.

A Santorin par exemple, connaissant à l’avance les horaires d’arrivée des bateaux et de leurs visiteurs, nous conseillons à nos clients sur place de visiter certains sites en fonction de ces horaires, pour ne pas se retrouver au milieu de la masse de personnes issues de ces navires.

4. Renforcement des infrastructures portuaires :

Il est en effet essentiel d’investir dans des infrastructures portuaires modernes pour réduire les déversements de déchets et les émissions atmosphériques.
Des installations de traitement des eaux usées doivent être également installées à bord des navires pour éviter la pollution marine.

Mais nous voyons bien que pour le moment cela ne fait malheureusement pas partie des priorités des autorités locales grecques.

5. S’engager pour un tourisme durable et responsable :

Nous le voyons, pour des raisons certainement politiques et budgétaires, les autorités locales ne se bousculent pas en Grèce pour remédier aux problèmes engendrés par le nombre des bateaux de croisière.

Cependant, les îles des Cyclades ont manifesté un intérêt croissant pour le tourisme durable ces derniers temps, prenant conscience des risques liés au tourisme de masse. La solution passe donc peut-être avant tout par cela !

Les acteurs locaux (hôtels, agences, etc.) essaient petit à petit de mettre en place des initiatives visant à promouvoir des pratiques touristiques respectueuses de l’environnement et de la culture locale.
Cela peut donc inclure des incitations pour les touristes à visiter des sites moins fréquentés ou à participer à des activités respectueuses de l’environnement.

Mais là encore, il est difficile d’alerter des voyageurs qui veulent profiter de leurs congés, qui ont choisi leur modèle de vacances, et qui ont parfois du mal à prendre conscience de l’impact de leurs pratiques.

Insistons donc, car si les autorités locales ne réagissent pas assez rapidement, le fait encourager le tourisme durable et responsable devient essentiel. Les voyageurs doivent être informés sur les impacts environnementaux des bateaux de croisière et incités à opter pour des alternatives plus respectueuses de l’environnement, telles que les excursions en petit groupe ou en bateau à moteur moins polluant.

le voyage responsable pour préserver nos océans

Nous sommes bien conscients des contradictions face  la promotion du tourisme durable, quand nous voyons encore des bâtiments sortir des chantiers navals qui sont des scandales environnementaux : https://www.mer-ocean.com/wonder-of-the-seas-le-scandale-environnemental/, mais il faut insister encore et encore, pour que les personnes qui souhaitent continuer à découvrir des endroits magiques dans les Cyclades et dans le monde, prennent conscience qu’il faut que cela évolue drastiquement.

Conclusion: comment relever le défi environnemental du tourisme responsable ?

Les bateaux de croisière en Grèce représentent un défi environnemental majeur pour la Grèce, mais aussi pour tous les pays touristiques. Les impacts négatifs sur les écosystèmes marins et la biodiversité sont alarmants et nécessitent des actions immédiates.

En réglementant les opérations des bateaux de croisière, en investissant dans des infrastructures durables et en promouvant un tourisme responsable, il est peut-être possible de préserver les richesses naturelles de la Grèce pour les générations futures.

Mais avant tout, il devient urgent, en tant que voyageurs responsables, que nous prenions conscience que nous pouvons jouer un rôle pour limiter ce fléau.

Les croisiéristes pourraient choisir des compagnies maritimes qui mettent en place des pratiques durables et respectueuses de l’environnement, car pour le moment, nous assistons surtout à du « Green Washing » plutôt complètement hypocrite.

Les voyageurs qui préfèrent explorer la Grèce autrement qu’en saut de puce à bord de bateaux peuvent aider à préserver la beauté naturelle de ce pays, notamment en consommant auprès des entreprises locales et en respectant l’environnement et la culture locale.

Il est temps d’agir collectivement pour faire face à ce défi environnemental majeur et garantir un avenir durable pour le tourisme en Grèce.

Enfin, les habitants des Cyclades doivent également être écoutés et impliqués dans la prise de décisions concernant l’avenir de leur archipel !